Compte rendu d'une conférence prononcée par Marc-Mathieu Münch, le mardi 6 juillet 2010 à 16h30 à l’Université de Kyoto, Faculté des lettres, Département de langue et littérature françaises: « La théorie de l'effet de vie en littérature comme synthèse du pluriel du beau et du singulier de l'art »
M. Marc Mathieu Münch, professeur émérite de littérature générale et comparée à l’Université de Metz, a donné une conférence à la Faculté des lettres de l’Université de Kyoto, au Département de langue et littératures françaises.
Y étaient présents parmi l’auditoire les enseignants du département (4 Japonais et 1 Français), M. Nakagawa Hisayasu, ancien professeur du même département et membre de l’Académie du Japon, Mme Julie Brock, qui a invité le conférencier dans notre pays, ainsi qu’une dizaine d’étudiants en maîtrise et en doctorat.
M. Münch a présenté en environ une heure les grandes lignes de sa propre théorie développée dans ses ouvrages, notamment L’Effet de vie ou le singulier de l’art littéraire (Champion, 2004).
Après avoir mis en relief les principales caractéristiques de l’émotion esthétique (sidération et entraînement), le conférencier a supposé deux conditions préalables qui sous-tendent cette théorie : la nécessité d’une unité sous la diversité du genre humain, et la nécessité d’un invariant qui justifie l’utilisation du mot « art » malgré la diversité des œuvres. Ces deux conditions peuvent être considérées comme les deux versants de la question qui consiste à se demander comment penser ensemble le singulier et le pluriel dans la production artistique.
Abordant le point central de son exposé, M. Münch a défini son problème comme la recherche de la possibilité de définir la littérature en tant que telle. Et choisissant dans diverses civilisations les auteurs passés à la postérité, il a isolé des textes dans lesquels ces auteurs développent des réflexions théoriques sur leur art (ce qu’il appelle des « arts poétiques »), et a avancé l’idée que malgré les contradictions multiples, il existe une idée commune dans tous ces écrits, et c’est ce qu’il appelle l’« effet de vie », c’est-à-dire que la rencontre d’une œuvre d’art crée un phénomène de « vie » dans l’esprit du lecteur.
Le conférencier a ensuite présenté les six corollaires de cette idée principale, liés les uns aux autres : 1) l’utilisation des mots comme objets sensuels ; 2) l’exigence de formes ; 3) le déplacement des matériaux pour l’invention de formes nouvelles ; 4) l’invention de techniques spéciales exploitant l’association de plusieurs facultés (images, figures de rhétorique, etc.) ; 5) techniques qui font appel à la co-création du lecteur ; 6) la cohérence, sans laquelle les cinq premiers corollaires n’ont pas de valeur.
Ces développements ont abouti à une conclusion qui comporte elle-même trois éléments : d’abord, la littérature constitue un système interactif à trois moments (le créateur, le lecteur et l’objet) ; le but de la littérature est de créer un effet psychique chez le lecteur ; et enfin, il existe un singulier de l’art et un pluriel du beau.
La conférence a été suivie d’un débat auquel ont participé les auditeurs. Il y a eu quelques interventions de la part des enseignants présents, et elles témoignaient de l’intérêt suscité par les propos de M. Münch. Les étudiants sont restés silencieux (comme pour la plupart des autres conférences), mais ce phénomène est sans doute dû à la difficulté de présenter une théorie générale dans le cadre d’une conférence d’une heure, et aussi au fait que la plupart de nos étudiants travaillent sur des sujets précis plutôt que sur des problèmes théoriques. On peut certainement ajouter le fait que contrairement à d’autres critiques et théoriciens français, M. Münch est encore peu lu et mal connu dans notre pays.
Malgré tout, cette conférence a été l’occasion d’un échange fructueux et stimulant, et il est à souhaiter qu’elle donnera lieu à d’autres débats sur les ouvrages et les idées du conférencier.
MASUDA Makoto, Université de Kyoto
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