Pixel ; Mourad Merzouki |
Écrit par Marc-Mathieu Münch |
Dimanche, 06 Décembre 2015 17:50 |
Pixel, spectacle de danse de Mourad Merzouki, Paris, La Grande Halle, le 1er décembre 2015.
Et voici tout à coup la sidération de celui qui entre dans un ciel nocturne, un ciel assez sombre mais dont les étoiles vivantes ont toutes les mobilités imaginables. Car nous sommes dans un nouvel univers ; nous spectateurs, nous avons le privilège de découvrir des configurations inouïes de mondes possibles. Ce sont des ruissellements de pixels, des rassemblements de spots lumineux, des regroupements denses, des dispersions ailées ou alors des réseaux, des filets, des cercles intenses et des spirales filantes. Tout bouge apparemment selon la fantaisie de l’artiste, mais en même temps, c’est clair, tout a un ordre caché. On voit bien que des lois géométriques complexes président à chaque ruissellement de lumière. Des axes précis, des formules mathématiques rigoureuses collaborent à la fantaisie.
Et puis, plus bas, au sol, voici la danse des hommes et des femmes, la gesticulation éternelle de l’humain dans les rêts du monde. Elle est belle et terrible. Par moments, c’est un fabuleux grouillement de gestes interrompus, de crochets brusques, de sursauts brisés, de jambes, de bras qui se tendent et s’affolent vous ne savez pas pourquoi. Toute l’énergie humaine est là, toute la pauvre énergie qui cherche à créer quelque chose ou simplement à survivre.
Alors ce sont des tours de force que l’on n’aurait pu imaginer, des exploits, des virtuosités éblouissantes. Rien ne semble impossible aux danseurs de la troupe de Mourad Merzouki. Et pourtant il ne choisit jamais pour elle-même la facilité de la virtuosité. Qu’il en soit félicité.
On ne saurait citer tous les meilleurs moments. Disons pourtant un mot tout spécial des moments ou des danseurs jouent avec un cerceau et réussissent à force de grâce et de souplesse à incarner quelque chose comme la rencontre de l’humain et des lois du monde.
Et que dire de la musique composée spécialement pour cette féerie ? Elle danse avec et sur les vagues gestuelles de la chorégraphie. Elle leur apporte en surimpression fraternelle le prolongement de l’émotion jusqu’au royaume secret où réside, au-delà des mots et des sens, le mystère de l’âme. Je me suis senti soulevé, balancé et comme renouvelé par les nacelles sonores et aériennes qui me soulevaient.
Maintenant, pour dépasser la simple description de ce magnifique spectacle, tâchons d’en dire l’esthétique. Dans le style sublimé de la danse hip-hop qui convient si bien à notre monde hystérique, Mourad Merzouki a voulu mettre en valeur les principes premiers de la danse : le geste intransitif, l’espace lumineux, la musique bougée et la rencontre avec l’Autre. Au lieu de nous raconter des histoires, il raconte la danse, la danse elle-même et son secret : partir d’un geste pour créer un monde, la vie, les émotions et les destins terribles et nus de nos vies d’humains écrasés sur le sol, mais la tête dans les nuées.
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