Alain Kremski, Anima Christi Imprimer
Écrit par Marc-Mathieu Münch   
Mercredi, 26 Octobre 2011 18:59

Anima Christi pour chœur, bols rituels chantants (Tibet), gong, petites cloches de temple et cymbale tibétaine. Oeuvre d'Alain Kresmski. Eglise des Billettes, Paris, 22 octobre 2011.

Cette œuvre sublime dont le titre se réfère à l’âme du Christ est un événement à la fois syncrétiste et post-moderne.

Sur les syllabes d’un texte latin extrait, dit le programme, d’une litanie franciscaine du XIIIe siècle, le chœur chante de longs accords, de longues tenues qui progressent comme les houles de la haute mer. On se croirait volontiers  ou dans le voisinage d’un monastère oriental ou alors, directement, sous la musique cosmique des sphères.

Mais des sons étranges viennent parfois rompre l’harmonie établie comme si ces sphères mystérieuses devaient de temps en temps se restructurer sur des axes nouveaux.


Et là-dessus des clochettes et des bols tibétains viennent piquer, c’est le mot, des notes claires et courtes, audacieuses et colorées. Enfin le gong,  par-dessous, multipolaire et profond, se présente comme une base ordonnatrice des oppositions.

Tout bouge, même dans l’immuable.

Alain Kremski nous a peut-être peint le tableau d’un monde à double postulation. D’un côté la transcendance, mais absconse et la durée de l’Au-delà, mais étrange ; de l’autre notre petit monde affairé, essoufflé, mais pourtant joli. L’auditeur peut se sentir comme directement au contact des fondamentaux de l’espèce humaine.

Plus magistralement qu’avec d’autres partitions post-modernes mêlant les instruments de civilisations différentes, j’ai eu le sentiment d’une émotion musicale mondialisée comme si le compositeur avait cherché, comme un spéléologue, à descendre sous les différentes strates des styles jusqu’au socle de tout l’édifice.

Ainsi le post-modernisme, qui prend son bien dans l’immense menu des musiques du monde sans choisir un plat d’un style donné, rejoint-il le syncrétisme. On y vient naturellement (et l’on sait combien le naturel est difficile en art) sans raisonnement outré, sans articulation forcée : simplement par la juxtaposition réussie de la tenue et de la note qui semblent avoir été cherchées aux deux extrémités de l’axe du temps.

Et c’est sans doute aussi pour cela que je veux rapprocher cette partition de notre théorie de l’effet de vie qui, de même, cherche les fondements des arts humains.

Le chœur de chambre Les Tempéramens Variations et son chef Thibault Lam Quang, qui ont commandé cette œuvre, en ont donné  une interprétation magnifique mettant en valeur toutes ses facettes.

 

Marc-Mathieu Münch