Jacques Lenot à Saint Eustache Imprimer
Écrit par Marc-Mathieu Münch   
Mardi, 29 Septembre 2009 16:18

Le hasard d’une promenade dans le quartier des Halles à Paris me fait entendre à Saint Eustache quelques minutes d’une musique électroacoustique prenante qui remplit toute l’église comme si elle sortait des pierres, comme si l’édifice lui-même était musique et ne pouvait être que musique.

Le compositeur, me dit-on, donne l’ensemble du morceau le 29 septembre. Je suis assez frappé de ces quelques notes pour inscrire la date dans ma mémoire. Le 29 donc, j’ai la chance d’entendre Il y a de Jacques Lenot d’une oreille totalement vierge.

Du haut des galeries supérieures commencent de tomber de petites notes irrégulièrement rythmées qui semblent venir de clochettes, de cloches et de gongs formant dans les airs un troupeau primesautier de sons faussement aléatoires, de sons qui sont comme attentifs à ce qui va suivre. Ils arrivent à sonorité avec le naturel de jeunes oiseaux jouant 

dans les airs pour la première fois. Ils s’inventent des formes courtes comme des danseurs qui s’amuseraient à créer sur un plateau des bouts de lignes et des courbes diverses. C’est une musique du haut-espace tombant en fantaisie le long des piliers.

Mais voici que d’autres sons plus longs naissent sans rythme apparent, du moins c’est ce que j’ai ressenti, car il doit bien y avoir des rythmes cachés dans ces sons de longue ambiance. Ainsi le matériau est-il donné d’entrée de jeu en totale évidence.

Alors les rythmes, les sons tirés et les rapports des deux imposent leur présence jusqu’à la fin du morceau. D’un côté, les rythmes gais, cristallins quoique brusques quelquefois où des formules simples –le sextolet souvent- semblent dominer ; de l’autre les sons tirés venus en deuxième lieu engendrent comme un espace aux premiers. Et le jeu s’installe assez vite entre les deux familles. Les longs sons créent des mondes profonds, sourds et gourds où les clochettes se perdent puis se retrouvent en souriant. La nef se construit peu à peu. Les premières données sont développées et variées avec une imagination riche et cohérente en même temps, car « il y a » toujours quelque chose après quelque chose. C’est évident, mais il fallait de l’inspiration pour le faire.

Enfin, l’effet de vie se précisant, l’esprit se met à colorer et à matérialiser tous ces sons. Pour moi ce furent les mondes de l’au-delà des apparences : de grandes genèses puissantes et brouillonnes ; des planètes en gestation traversées de geysers ; des océans d’êtres grondeurs et grondants ; des roulements de formes comme des nuages humides se solidifiant. . .

Et tout à coup, au sommet de l’effet, une voix humaine infiniment émouvante : ecce homo dans l’univers...

Paris le 29 septembre 2009